N'ENVIONS RIEN
O femme, pensée aimante
Et coeur souffrant,
Vous trouvez la fleur charmante
Et l'oiseau grand ;
Vous enviez la pelouse
Aux fleurs de miel ;
Vous voulez que je jalouse
L'oiseau du ciel.
Vous dites, beauté
superbe
Au front terni,
Regardant tour à tour l'herbe
Et l'infini :
-Leur existence est la bonne
;
-Là, tout est beau ;
-Là, sur la fleur qui rayonne,
-Plane l'oiseau !
-Près de vous, aile
bénie,
-Lys enchanté,
-Qu'est-ce, hélas! que le génie
-Et la beauté ?
-Fleur pure, alouette agile,
-A vous le prix !
-Toi, tu dépasses Virgile ;
-Toi, Lycoris !
-Quel vol profond dans l'air
sombre !
-Quels doux parfums !---
Et des pleurs brillent sous l'ombre
De vos cils bruns.
Oui, contemplez l'hirondelle,
Les liserons ;
Mais ne vous plaignez pas, belle,
Car nous mourrons !
Car nous irons dans la sphère
De l'éther pur ;
La femme y sera lumière,
Et l'homme azur ;
Et les roses sont moins belles
Que les houris ;
Et les oiseaux ont moins d'ailes
Que les esprits !
Août 18...
Victor
Hugo